Relier les éléments naturels entre eux

Une fois les milieux naturels d’intérêts identifiés, la question de la connectivité écologique entre en jeu. Cette dernière peut être définie comme étant « le degré de connexion entre les divers milieux naturels présents au sein d’un même paysage tant au niveau de leurs composantes, de leur répartition spatiale que de leurs fonctions écologiques ». [1]

Les corridors écologiques permettent de relier entre eux les milieux naturels d’intérêt. Ces noyaux sont des zones dont la biodiversité est élevée et dont la valeur écologique est importante. À Montréal, on peut penser aux Grands parcs, à certains parcs locaux et aux aires protégées. 

Bien qu’il ne soit pas toujours évident d’établir des liens entre les milieux naturels de grande superficie, en particulier sur un territoire comportant un nombre élevé d’entraves (autoroutes, voies ferrées, etc.), les bénéfices potentiels sont très importants, ce qui justifie les efforts. 

Il existe plusieurs méthodes permettant de connecter les milieux naturels, et ce à plusieurs échelles spatiales (lot industriel, zone industrielle, municipalité, région).

Corridor écologique


Les milieux naturels d’intérêts comprennent une importante diversité d’espèces, d’habitats et d’écosystèmes. Ces espaces, que l’on appelle zones noyaux, permettent aux espèces présentes de répondre à leurs besoins, soit se nourrir, se loger et se reproduire. [2] Ces milieux naturels peuvent être des boisés, des friches, des milieux humides et des cours d’eau.

En milieu urbain, ces milieux sont de plus petites superficies et sont bien souvent isolés. Dans ce contexte, certaines espèces qui ont besoin d’un plus grand territoire, ne peuvent pas trouver toutes les conditions nécessaires à leur survie et doivent donc se déplacer entre les milieux. Ces déplacements comportent toutefois des risques ou ne peuvent pas être réalisés en raison de la présence d’obstacles, tels que des routes, des clôtures et des voies ferrées. Par ailleurs, la présence humaine (bruits et odeurs) est une barrière psychologique pour certains animaux. [3]

Les corridors écologiques connectent entre eux les milieux naturels d’intérêts et offrent donc des opportunités de déplacements sécuritaires pour les différentes espèces. Il existe trois types de corridors, soit linéaire, pas à pas et mosaïque. 

La biodiversité des zones noyaux est bien meilleure que celle des milieux isolés. Ces corridors permettent en effet des échanges entre les milieux, ce qui apporte une diversité génétique plus importante. En favorisant la diversité à l’intérieur des espèces, en plus de la diversité des espèces, le milieu devient plus fort et plus résistant aux perturbations. Dans le contexte des changements climatiques, il est plus important que jamais d’assurer la connectivité entre les milieux afin de préserver la biodiversité et les services écosystémiques qui leur sont associés. [4, 5]

 

 

 

Corridor écologique
 

 

Pourquoi relier les éléments naturels ?

D’un point de vue écologique, les corridors sont essentiels à la conservation et au maintien de la biodiversité. Par ailleurs, ils offrent de nombreux services à l’humain, ce que les corridors renforcent. En plus des avantages présentés à la section Pourquoi ?, la connexion des milieux naturels permet d’assurer une meilleure résilience écologique et une bonne perméabilité, ce qui rend les infrastructures naturelles plus durables.

Résilience écologique

La résilience écologique peut être définie comme étant la « capacité d’un écosystème, d’un habitat, d’une population ou d’une espèce à retrouver un fonctionnement et un développement normal après avoir subi une perturbation importante ». [6]

Les impacts des changements climatiques auront d’ailleurs des conséquences graves pour les espèces qui ne retrouveront plus leurs conditions de survie dans les milieux où ils sont présents actuellement. Ils devront donc se déplacer, parfois sur des distances importantes. [4] Il est estimé que les espèces sauvages au Québec se déplaceront en moyenne de 45 km vers le nord par décennies pour survivre. [7]

Les corridors permettent donc d’assurer la survie des espèces. Ils permettent également de réduire les impacts des changements climatiques sur l’humain de par les services écosystémiques qu’ils rendent. Ils permettent notamment d’améliorer la gestion des eaux pluviales et de lutter contre les îlots de chaleur. Avec l’augmentation des évènements météorologiques extrêmes, tels que les orages violents, les inondations, le verglas et les canicules, les risques de bris au bâti et les impacts sur la santé et la sécurité des travailleurs seront accrus. Ces risques peuvent être significativement atténués par la présence de corridors écologiques.

En connectant les aménagements naturalisés entre eux, il est possible d’augmenter la qualité et la pérennité de ceux-ci. Ils seront davantage en mesure de s’adapter aux différentes perturbations et de maintenir une biodiversité suffisante pour supporter les différentes espèces végétales et animales présentes. [3] Assurer le maintien et l’augmentation de la biodiversité du territoire, c’est assurer du même coup la préservation des services écosystémiques que la nature apporte aux humains. Ce sont ces services qui sont à la base de notre mode de vie et de notre survie.

Perméabilité

Le but premier des corridors est d’assurer le déplacement des espèces animales et végétales. Toutefois, ces déplacements peuvent être compliqués en raison de la présence de routes et d’infrastructures bâties sur le territoire. En réduisant au maximum les entraves, on augmente de façon importante la connectivité entre les zones noyaux. [8] Ces corridors sont très importants pour assurer les déplacements de la faune et la flore, mais ils sont aussi des opportunités intéressantes pour le déplacement des humains

Dans les zones industrielles, cet aspect est particulièrement intéressant puisqu’il vient offrir une alternative à la voiture pour se rendre sur les lieux de travail. Effectivement, en créant un corridor végétal, il est possible d’y intégrer une piste cyclable ou multifonctionnelle permettant aux employés de se déplacer à vélo ou à pied. C’est d’ailleurs un mode de déplacement de plus en plus recherché chez les travailleurs. [9] Les déplacements actifs ont d’ailleurs de nombreux bienfaits sur la santé des individus, ce qui réduit l’absentéisme au travail et augmente la productivité. [10] De plus, ces espaces offrent des opportunités aux employés pour la pratique d’activités récréatives lors des pauses ou en dehors des heures de travail, combinant ainsi travail et loisirs. 

Les pistes multifonctionnelles dans les corridors permettent également de réduire les temps de trajet. Ces corridors deviennent donc des raccourcis par rapport au réseau routier en place et réduisent la distance à parcourir lors des déplacements. De plus, un réseau actif séparé du réseau routier et la présence de végétation viennent augmenter la sécurité des utilisateurs et offrent un cadre visuel intéressant. [11] Il faut toutefois prévoir les aménagements nécessaires pour assurer le sentiment de sécurité, notamment de l’éclairage et des possibilités de sorties fréquentes.

Ce type d’aménagements vient augmenter l’attractivité de la zone industrielle pour les travailleurs, mais peut également être très apprécié par les résidents du voisinage. Selon le type et l’ampleur des aménagements naturels, les zones industrielles pourraient même devenir des milieux de vie intéressants pour la population en permettant la pratique d’activités récréatives et des déplacements actifs. C’est une bonne avenue pour intégrer les industries dans la communauté environnante et s’inscrire dans une démarche de responsabilité sociale des entreprises.

 

 

Corridor de déplacement Hydro-Québec

Hydro-Québec a aménagé sous sa ligne haute tension Charland-Fleury, dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville, un corridor comprenant une piste multifonctionnelle, une prairie herbacée, deux jardins communautaires et un espace de jeux pour les enfants. Des arbres et arbustes fruitiers y ont été plantés. [12]
 

Par quelles méthodes peuvent-ils
être reliés ?

Pour aménager un corridor écologique efficace, il y a plusieurs éléments à prendre en compte :

  • La largeur et la longueur du corridor ;
  • Le nombre et la dimension des obstacles ;
  • La diversité des habitats ;
  • L’utilisation du sol à proximité. [2]

À l’échelle d’un lot industriel, il est important de prendre en compte les milieux naturels à proximité du site. Ainsi, le choix de l’emplacement des infrastructures naturelles devra être fait, dans la mesure du possible, dans l’optique de connecter les milieux naturels entre eux. De plus, ces aménagements pourront être planifiés en chaîne afin de maximiser les bénéfices et la durabilité de chacune.

Lorsqu’il s’agit de planifier et de concevoir un corridor à l’échelle d’une zone industrielle ou encore d’une région, on choisira le corridor linéaire, le pas à pas ou la mosaïque en fonction des caractéristiques du milieu (voir le schéma Corridor écologique plus haut). Dans les trois cas, il est important de faire appel à des professionnels afin de déterminer l’emplacement et les caractéristiques optimales du corridor. 

Il existe également quelques règles de bases qu’il importe de prendre en considération pour augmenter le succès de ces connexions, soit :

  • Réduire et contrôler les usages dans le corridor (limiter les constructions) ;
  • Maximiser la largeur du corridor et la maintenir dans le temps ;
  • Minimiser l’éclairage et le bruit ;
  • Limiter les fractures et les obstacles dans le corridor. [8]
Linéaire

Le corridor linéaire est une succession de terrains végétalisés qui forment une bande permettant de relier les zones noyaux entre elles. C’est le type de corridor qui est le plus efficace pour assurer la connectivité écologique et qui permet à une plus grande gamme d’espèces de se déplacer, notamment celles dont la capacité de déplacement est de rayon faible (insectes, certaines plantes, etc.). La largeur minimale recommandée pour ce type de corridors est de 50 à 100 m. Plus un corridor est large, plus il est efficace. [2]

De plus, la présence d’une zone tampon de chaque côté du corridor permet de consolider son efficacité. Cette zone sert de transition entre le milieu urbain et le corridor et vient limiter les barrières psychologiques pour les espèces qui sont plus sensibles à la présence humaine. Les usages possibles sont plus nombreux dans la zone tampon que dans les parcelles. [13]

Voici quelques exemples de corridors linéaires : 

  • Les bandes riveraines de cours d’eau ;
  • Les haies ;
  • Les abords de routes et autoroutes ;
  • Les abords de chemins de fer ;
  • Les emprises au sol des lignes électriques à haute tension ;
  • Les fossés ;
  • Les emprises au sol des oléoducs enterrés ;
  • Les talus.
     
Pas à pas

Les corridors sous forme de pas à pas, aussi appelés pas japonais ou en pierres de gué, comprennent des espaces de tailles variables qui forment une bande discontinue entre les zones noyaux. Dans les milieux urbains, il peut être particulièrement difficile de faire des corridors sans obstacle. Ce type de corridor est donc une bonne alternative lorsqu’il n’est pas possible de réaliser un corridor linéaire. Pour qu’il soit efficace, il est important de maximiser la densité, la taille et la proximité entre elles des parcelles. [14] Comme pour le corridor de type linéaire, une zone tampon devrait être préservée entre les parcelles.

Voici quelques exemples de parcelles pouvant permettre de créer un corridor en pas à pas :

  • Les parcs de quartier ;
  • Les emprises au sol des bretelles d’autoroutes ;
  • Les bassins de rétention ;
  • Les espaces boisés ;
  • Les toits verts ;
  • Les friches industrielles ou espaces délaissés.
     
En mosaïque
Le troisième type est le corridor en mosaïque. Il s’agit d’un corridor continu comprenant divers types de milieux naturels, soit des milieux hydriques et humides, des friches et des boisés. Il peut également y avoir des milieux naturels créés et entretenus par l’humain. Contrairement aux deux autres types, celui-ci ne comprend pas de zone tampon. [8]

Corridor bleu et réseau écologique
 

Le corridor bleu concerne les milieux hydriques et vient assurer le déplacement des espèces aquatiques permettant ainsi de répondre à tous leurs besoins (nourriture, abri, reproduction). Le corridor est généralement constitué d’une rivière ou d’un ruisseau et de zones tampons, aussi appelées bandes riveraines. Dans le cas du corridor bleu, les obstacles sont principalement les barrages et les ponceaux qui peuvent nuire ou empêcher les déplacements d’un habitat à l’autre. [2]

Le réseau écologique, quant à lui, est constitué des zones noyaux, de l’ensemble des corridors écologiques, des zones tampons, des corridors bleus et des milieux humides. Ce concept est également connu sous le nom de trame verte et bleue. [13] C’est d’ailleurs le terme utilisé pour désigner le projet de réseau écologique de la CMM, soit la Trame verte et bleue du Grand Montréal.

Le réseau vient favoriser non seulement la connectivité écologique, mais également le maintien ou la restauration des processus qui sont essentiels au fonctionnement des milieux naturels. [13] En ayant un réseau écologique bien développé sur un territoire, les services écosystémiques que ce réseau peut apporter à l’humain sont préservés, voire améliorés, et sont plus durables.

Comment intégrer la connectivité dans l’aménagement du lot ou de la zone ?

Pour ce qui est de l’intégration de la connectivité à même un lot ou une zone industrielle, il y a plusieurs éléments à prendre en compte. Autant pour le choix des éléments naturels à conserver que pour l’aménagement de nouvelles infrastructures naturelles, il faut prendre en considération ce qui entoure le lot ou la zone, notamment les milieux naturels et les opportunités de moduler l’aménagement du terrain. Dans toute planification d’aménagement d’un lot ou d’une zone industrielle, toute opportunité de créer un corridor doit primer sur les autres services écosystémiques à aller chercher.

Les limites de lots sont des endroits tout désignés pour ce genre de projet, en évitant de trop réduire la superficie constructible du terrain. Il faut également prendre connaissance des projets en planification et en cours d’aménagement de corridor, comme les corridors verts de la Ville de Montréal ou la trame verte et bleue de la CMM. Il peut aussi être intéressant de concerter les entreprises voisines afin de favoriser un projet commun de plus grande envergure qui assurerait une plus grande connectivité. 

Trois études de cas de projets de connectivité à différentes échelles peuvent être consultées pour s’inspirer.

À l’échelle d’un lot : Marché public de Longueuil

À l’échelle d’une zone industrielle : Technopôle Savoie Technolac, France

À l’échelle plus large que le secteur industriel : Corridor de biodiversité de Saint-Laurent

Consultez également la Boîte à outils - Connecter dans la section Outils et glossaire pour des ressources pertinentes.

Études de cas

Toutes les
études

Technopôle savoie technolac, France

Le Technopôle Savoie Technolac est une zone industrielle située au nord de Chambéry en France et occupe un territoire de 780 000 m2. La zone fait actuellement l'objet d’un agrandissement qui se déroulera par phases sur une période allant de 2018 à 2035. L’extension de la zone est localisée dans la commune de La Motte-Servolex et représente une superficie de 215 000 m2

Parc scientifique de Bromont

La démarche de la réserve naturelle à Bromont a débuté en 2012 lorsque la ville a consulté ses citoyens pour constituer sa vision 2030 en développement durable. Le désir de protéger les milieux naturels et d’avoir des cibles ambitieuses est clairement ressorti. [1] De plus, la Ville de Bromont souhaitait mettre en place une gestion durable de son territoire grâce au développement de son parc industriel, où elle a acquis 1 000 ha de terrains. [2]

Marché public de Longueuil

Le projet du Marché public de Longueuil est le fruit d’une collaboration entre la Ville de Longueuil et l’Association des producteurs maraîchers du Québec. Inauguré en 2014 et situé sur un terrain de 2,4 ha, le marché public est souvent cité comme exemple pour sa gestion durable des eaux pluviales. [1]

Découvrir comment mettre en place de nouvelles infrastructures naturelles

 

Références

[1] Conseil régional de l’environnement du Centre-du-Québec. (2014). Principe d’élaboration des corridors naturels au Centre- du-Québec.
[2] Boucher, I. et Fontaine, N. (2010). La biodiversité et l’urbanisation : Guide de bonnes pratiques sur la planification territoriale et le développement durable.
[3] Verreault, C. (s.d.). Des déplacements essentiels dans le parc de la Gatineau.
[4] Commission de la capitale nationale. (s.d.). Les corridors écologiques.
[5] Agence Lichen. (s.d.). Trame verte et bleue.
[6] Office québécois de la langue française. (2009). Résilience écologique.
[7] Conservation de la nature Canada. (s.d.). La connectivité : Des passages pour aider les espèces à se déplacer.
[8] Éco-corridor laurentiens. (s.d.). Les éco-corridors.
[9] Ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports. (2018). Transporter le Québec vers la modernité - Politique de mobilité durable - 2030.
[10] Direction régionale de santé publique de Montréal. (2019). Transport actif.
[11] Plateforme municipale pour le climat. (2022). Le pouvoir des infrastructures municipales pour le climat.
[12] Hydro-Québec. (s.d.). Collaboration avec le milieu.
[13] Grivegnée-Dumoulin, V. (2020). Intégration de la connectivité écologique dans les outils d’aménagement du territoire des instances municipales présentes sur le territoire d’action de corridor appalachien.
[14] Agence Lichen. (2022). Corridor en « pas japonais ».

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